IL FAUT PRENDRE LES DÉCISIONS COURAGEUSES POUR L'AVENIR!!
Ministre de l'Enseignement Primaire ,secondaire et nouvelle citoyenneté |
« Dans un monde où la ressource rare
sera de plus en plus la ressource humaine et ses qualités de compréhension,
d’analyse, de capacité conceptuelle et d’esprit de recherche et d’innovation
»(1), il y a lieu de s’étonner aujourd’hui du peu d’attention et d’intérêt que
notre pays, la RDC, accorde aux questions cruciales de la qualité de
l’éducation, du rôle de l’école dans la société et de l’importance de
l’université comme lieu de formation de nouvelles élites pour notre nation, même
si apparemment les autorités semblent mettre la main dans la patte.
Tout
donne l’impression, dans les débats actuels de société, que les préoccupations
de lutte politico-politiciennes comme les élections et les compétitions au sein
des partis politiques sont plus importantes que la formation humaine. On a
aussi le sentiment que les impératifs de sécurité de dirigeants en place, tout
comme les exigences d’intérêts économiques et financiers dont les dirigeants
profitent autour de la mangeoire congolaise, ont définitivement pris le pas sur
les problèmes fondamentaux de l’éducation.
C’est-à-dire de l’avenir même de notre
pays dans les ressources humaines qui devront le construire en posant dès
maintenant les bases de notre futur.
DES SYMPTÔMES INQUIÉTANTS
Il suffit de s’intéresser tant soit peu
au budget de l’Etat congolais et à l’utilisation des richesses publiques dans
les chantiers de la République pour se rendre compte que l’éducation, la
formation, l’enseignement, le développement de la recherche et du savoir ne
sont pas les priorités au Congo-Kinshasa aujourd’hui.
Un regard, même superficiel, sur notre
univers éducatif, ne manquerait pas de constater cette marginalisation de
l’éducation dans les orientations prioritaires de la nation. Il ne peut pas ne
pas être frappé par certains phénomènes qui caractérisent le système scolaire
et universitaire congolais et qui révèlent le malaise profond de nos
institutions éducatives dans leur globalité.
Un des facteurs révélateurs qui sautent
d’emblée aux yeux, c’est la condition des infrastructures matérielles d’accueil
et de formation dans l’école congolaise aujourd’hui, à tous les niveaux. A très
large échelle, l’espace scolaire et universitaire est moins un cadre serein et
efficace d’éducation qu’une arène impitoyable et un innommable « foutoir » où
l’on doit se battre pour trouver une place afin de suivre quelque peu
l’enseignement, comme si l’acquisition des connaissances n’était pas un droit
et un devoir exigeant des conditions propices à la maîtrise des savoirs et au
développement de l’esprit de recherche et d’initiative pour les générations
montantes.
Même là où existent des infrastructures
matérielles de plus ou moins bonne qualité, on constate qu’une culture de la
saleté et du laisser-aller gangrène les esprits et s’impose comme une manière
d’être et de vivre dans un contexte où l’on s’habitue à tout et où l’on se
conforme même à l’inacceptable. Quand une institution de formation fonctionne
dans des conditions matérielles normales qui devraient être les mêmes pour tous
les espaces d’enseignement, la tendance est de la considérer comme une
exception qui confirme la règle. Une exception face à la loi générale du
délabrement, de l’exiguïté des lieux d’études et de l’inconfort inquiétant des
espaces éducatifs où les jeunes congolais préparent le futur.
Inutile
de dire la situation lamentable des enseignants en RDC dans tous espaces de
formation. Le métier d’enseignant est aujourd’hui dévalorisé, dévalué,
marginalisé au profit des carrières politiques qui propulsent une minorité de
professeurs vers les sphères de l’élite dirigeante. Dans cette situation, la
misère matérielle et la souffrance psychique condamnent les éducateurs
scolaires et universitaires à déserter l’univers des valeurs pour se conformer
aux antivaleurs de destruction de l’Homme congolais dans ses capacités de
lutter contre la crise qui ruine la santé de la nation.
L’école devient un espace de corruption, de prostitution et de décomposition morale généralisée. C’est cette école congolaise dont parle avec vigueur le professeur G.B. Mokonzi en la qualifiant d’école de la médiocrité. Une école qu’il convient de faire sortir de cet état pathologique pour en faire un espace humain d’excellence (2).
L’école devient un espace de corruption, de prostitution et de décomposition morale généralisée. C’est cette école congolaise dont parle avec vigueur le professeur G.B. Mokonzi en la qualifiant d’école de la médiocrité. Une école qu’il convient de faire sortir de cet état pathologique pour en faire un espace humain d’excellence (2).
A la dévalorisation du métier
d’éducateur au Congo s’ajoute un autre phénomène catastrophique : l’indigence
pédagogique qui saute aux yeux lorsqu’on cherche à savoir sur quel socle de
matériel didactique les élèves et les étudiants construisent leurs savoirs et
développent leurs connaissances en RDC. L’aire didactique est dans la plupart
d’institutions de formation scolaire et universitaire une aire du vide létal.
Nombreuses sont des écoles et des universités qui ne le sont que de nom, faute
du minimum pédagogique et didactique vital. Quand on sait à quel point les
effectifs dans ces écoles et universités sont pléthoriques, on voit mal quel
avenir radieux peut jaillir d’une nuit pédagogique et didactique aussi dense
que celle où s’agite le système éducatif congolais aujourd’hui.
Le plus grave dans cette situation,
c’est le fait que tout ce système éducatif donne l’impression de ne plus
disposer d’une philosophie globale de base qui guiderait sereinement les
orientations, qui permettrait de définir les choix à faire et qui rendrait
possible des décisions rationnellement élaborées et des programmes profondément
pensées. Par manque d’une telle philosophie, l’école congolaise erre dans tous
les sens, sans repères clairs ni normes pour l’action.
DES
SOLUTIONS BOITEUSES ET MALENCONTREUSES
Devant l’ampleur de cette crise
éducative dont notre pays souffre à travers l’état catastrophique de beaucoup
de ses écoles et de ses universités, il est frappant de voir à quel point les
tentatives de solution ne sont pas du tout à la hauteur des enjeux dans
l’évolution même de notre système éducatif.
A deux reprises, le pays a tenté de
fonder l’école sur des impératifs que les dirigeants politiques voulaient
offrir et imposer aux générations montantes.
La première fondation date de l’année de
notre indépendance jusqu’à l’avènement du président Joseph-Désiré Mobutu. Dans
un contexte très pénible caractérisé par la guerre civile, les rébellions
incessantes et les menaces de balkanisation du pays, les lignes de fond de
l’école congolaise à tous ses échelons furent celles de la volonté de
construire une vraie nation. Une nation moderne, unie dans toutes ses
composantes et orientée vers le développement tel qu’on le concevait en ces
temps-là.
C’est-à-dire en termes d’arrimage du
tiers-monde au modèle occidental de l’économie, de la politique, de la culture
et de la société. Avec cette vision, sans que l’on s’interroge sur les
conditions de possibilité de la réussite d’une telle voie dans les réalités
mentales et culturelles de l’Afrique profonde, on a formé une élite sans autre
orientation que de singer l’Occident. Une élite de perroquets et de moutons de
panurge, globalement parlant.
Cette
élite s’est évertuée à donner à l’école une orientation de mimétismes
essentiellement superficiels du fait d’avoir été mal pensés : les mimétismes
dans les théories et les concepts, les mimétismes dans les pédagogies et les
didactiques, les mimétismes dans le matériel et le contenu d’enseignement.
Notre malheur au Congo, c’est que cette élite du mimétisme superficiel, dont l’esprit est encore aux commandes de la nation jusqu’à nos jours, n’avait pas compris la force la plus décisive de la modernité occidentale dans ses valeurs intellectuelles, éthiques et spirituelles les plus significatives pour l’ambition occidentale de domination du monde.
Notre malheur au Congo, c’est que cette élite du mimétisme superficiel, dont l’esprit est encore aux commandes de la nation jusqu’à nos jours, n’avait pas compris la force la plus décisive de la modernité occidentale dans ses valeurs intellectuelles, éthiques et spirituelles les plus significatives pour l’ambition occidentale de domination du monde.
Elle n’avait pas compris que la
modernité comme projet de domination et d’occidentalisation du monde est
fondamentalement souci de rationalisation, d’organisation, de maîtrise du
savoir, de développement des connaissances et de progrès des sciences en vue
d’exploiter les autres peuples, particulièrement les populations africaines.
Cela dans un système néocolonial dont
les Africains puissent devenir, dans l’imaginaire et dans la vie de leurs
propres élites, des garants fiables aux yeux des maîtres du monde.
Avec cet Occident devenu centre de la
planète et locomotive de la civilisation moderne, les singeries éducatives des
Nègres du Congo ne pouvaient être qu’à côté de la plaque des enjeux réels de
libération de l’esprit créateur congolais. Elles ne pouvaient être, pour
l’essentiel, que des fumisteries et des illusionnismes, même si en surface, on
n’avait l’impression qu’une élite congolaise de qualité était formée dans les
écoles locales comme à l’échelle internationale.
Certains de ces Congolais ont d’ailleurs
brillé et brillent encore par leurs savoirs aux firmaments de la science et de
la pensée en Europe et en Amérique. Certains ont accédé à des grands postes de
responsabilité dans les universités occidentales et ont contribué avec succès
au développement du savoir et des connaissances. On en trouve aujourd’hui dans
les institutions internationales où ils s’affirment avec beaucoup
d’intelligence et d’aplomb. Sous l’angle de la maîtrise de ce que l’école
néocoloniale leur a enseigné, ils sont des produits remarquablement compétents
et fiables à l’échelle individuelle.
Le problème devient crucial si l’on se
situe à l’échelle de la capacité de l’élite congolaise néocoloniale, même dans
les plus brillantes de ses intelligences et dans les plus fascinantes de ses
énergies pensantes, à organiser, à développer et à faire rayonner le Congo dans
le monde à partir d’un projet communautaire de promotion humaine et
d’engagement pour une société de prospérité, de dignité, de justice et de
liberté au sein de l’ordre mondial.
Si le problème est posé en ces termes,
il devient évident que l’école néocoloniale a formé une élite globalement
médiocre dans ses capacités d’action collective et d’intelligence créatrice
communautaire. Elle a formé, en politique, dans le champ économique comme dans
la culture, des agents congolais du système colonial, de gré ou de force.
Des collaborateurs, conscients ou
inconscients, du système mondial de domination. Des hommes dont le profil de
personnalité est celui des bras locaux qui profitent, dans leurs propres
intérêts, du statut de privilégiés du système de domination grâce auquel ils
ont accès à la jouissance consumériste de la modernité, sans savoir pourtant
comment se construit exactement l’esprit de cette modernité ni comment en
maîtrises des ressorts créatifs au service du développement de leurs peuples.
Devenue essentiellement une caste
supérieure dans le champ politique comme dans la sphère économique, l’élite
néocoloniale se coupe de son propre peuple, de ses propres populations, de ses
propres masses populaires dont elle trahit les intérêts pour mieux être au
service de l’ordre mondial qui fabrique les leaders et les faiseurs d’opinion
en Afrique. L’école néocoloniale a été et est encore le moule qui a forgé et
formaté cette élite africaine du mimétisme : l’élite déracinée et sans âme
propre.
Mais comme cette école ne pouvait
qu’être ambivalente dans la mesure où elle formait des collaborateurs
susceptibles de réfléchir par eux-mêmes et de déceler les contradictions dans
lesquelles ils se trouvent plongés, elle a, au sein même de l’élite, accouché
d’une force capable de la contester dans son projet en tant qu’école et de
contester le système sociopolitique mis en place au service de l’orientation
néocoloniale de la société (3).
Le penseur politique camerounais Hamidou
Komidor Njimoluh a établi cette vérité de manière convaincante dans un
excellent livre sur les Fonctions politiques de l’école au Cameroun : c’est
dans l’ambivalence de l’école et dans la dynamique contestatrice rendue
possible par cette ambivalence qu’a pu surgir une dynamique de lutte contre la
colonisation et pour l’indépendance.
Au Congo plus qu’ailleurs, l’ambivalence
a été celle d’une société qui, par la création d’une caste « d’évolués », a mis
le ver dans son propre fruit et le cheval de Troie dans son propre système.
C’est par le canal d’une élite néocoloniale consciente de sa néocolonialité que
notre pays a pu s’engager vers la voie de l’indépendance, même si cette
indépendance n’a pas pu repenser l’éducation et l’école selon les véritables
impératifs de la liberté.
Pourquoi n’a-t-il pas été possible pour
le Congo de faire ce pas dans la bonne direction, pour une école de
l’indépendance et de la liberté ? Parce que l’élite consciente des enjeux est
restée fortement et profondément déracinée, extravertie et aliénée dans ses
systèmes de désir, dans ses systèmes de connaissance comme dans ces systèmes
d’action. Elle a développée une forme d’intelligence incapable de se mettre en
accord avec les exigences véritables de l’indépendance comme vision globale du
monde, comme philosophie fondamentale de l’existence et comme mystique radicale
de vie.
C’est la rupture avec cette forme
d’intelligence éducative qui devra être le socle de la nouvelle éducation dans
notre pays. Au fond, comme dirait Michel Crozier, je considère qu’une mutation
fondamentale de l’intelligence est aujourd’hui urgente et qu’elle devra être le
moteur d’une nouvelle vision de notre système éducatif en RDC. Oui, « c’est
dans la mutation de l’intelligence qu’il faut donc investir (4). »
Le Congo a déjà tenté une telle mutation
sans la réussir. C’était dans les années 1970, lorsque le président Mobutu Sese
Seko lança la politique du recours à l’authenticité.
L’intention
éducative de cette philosophie était louable et fort généreuse pour les
Congolais. Les dirigeants du pays avaient vu juste et ils avaient touché du
doigt le problème centrale de la société congolaise : le problème de la
médiocrité des élites déracinées, aliénées et extraverties.
Le gouvernement voulait une rupture radicale avec l’esprit de cette élite. Il s’évertua, par des slogans incendiaires et des discours virulents, à vouloir construire un nouveau profil d’homme congolais : l’homme authentique, tissé dans ses fibres les plus intimes par la soif de la liberté, de la créativité et de l’innovation dans la vision qu’il a de son présent et de son avenir face à l’ordre mondial contre lequel il devait défendre son indépendance et son pouvoir de changer le destin du pays.
Le gouvernement voulait une rupture radicale avec l’esprit de cette élite. Il s’évertua, par des slogans incendiaires et des discours virulents, à vouloir construire un nouveau profil d’homme congolais : l’homme authentique, tissé dans ses fibres les plus intimes par la soif de la liberté, de la créativité et de l’innovation dans la vision qu’il a de son présent et de son avenir face à l’ordre mondial contre lequel il devait défendre son indépendance et son pouvoir de changer le destin du pays.
Malheureusement, ceux-là mêmes qui
voulaient l’authenticité n’étaient, en fait, que de piètres fabrications
politiques et idéologiques du système néocolonial. Ils étaient entièrement au
service de ce système. Ils mangeaient le pain du néocolonialisme. Ils servaient
les intérêts des Maîtres de l’ordre mondial. Ils avaient structuré leur esprit
selon les impératifs néocoloniaux et ils avaient adopté un mode de vie dont les
ressorts ne pouvaient tenir que dans le contexte néocolonial.
Leur recours à l’authenticité ne fut
ainsi qu’une pitoyable farce, selon le mot très juste de V.Y. Mudimbe. Leur
philosophie ne fut qu’un tintamarre d’incantations vides au service d’une
gouvernance désastreuse. Dans sa dynamique, l’éducation à l’authenticité se
cantonna dans les chansons et les danses dites révolutionnaires ainsi que dans
des gestes ridicules de bomber les torses devant les Blancs sur de petits
enjeux insignifiants de gloriole nationaliste, alors que le système politique
du pays était entièrement pollué par son orientation néocolonialiste.
Dans ce jeu du ridicule et de
l’hypocrisie politiques, l’élite congolaise perdit la capacité de penser
réellement les enjeux réels de la destinée congolaise et les impératifs d’une
modernité africaine au service d’une certaine idée d’humanité féconde dans ses
valeurs les plus hautes. Evidemment, ce vide de pensée fut masqué par des
réformes scolaires et universitaires de surface, qui ont donné le change sur
les problèmes éducatifs fondamentaux du pays. L’élite s’habitua à s’agiter sans
rien changer d’essentiel et de cohérent à un système gangrené par ses
pathologies néocoloniales innombrables.
Elle s’enchaîna, sans s’en rendre
réellement compte, à l’ordre d’un esclavage psychique pire que l’ordre de la
chicote et du fouet subi par nos ancêtres. Je veux dire qu’elle intériorisa la
domination tout en la niant dans le discours ; elle courba l’échine sous les
orientations de l’ordre mondial en partageant cependant à fond les impératifs
idéologiques et socio-pédagogiques imposées par des théoriciens dont les
présupposés ressortissaient plus à l’ordre des intérêts extérieurs qu’à ceux de
nos besoins internes fondamentaux.
Il suffit de suivre les débats
pédagogiques congolais et leurs scansions majeures pour voir à quel point
l’école de l’authenticité n’a fait que suivre les modes dites mondiales de
pédagogie par objectifs, de pédagogie par compétences ou de l’actuel système
LMD, sans savoir à quels problèmes toutes ces innovations répondaient chez
leurs inventeurs et dans quelles conditions il nous est nécessaire et utile de
les adopter selon nos propres perspectives d’éducation.
C’est contre ce manque de pensée propre
au système éducatif mobutiste qu’il convient de s’inscrire en faux pour changer
l’école congolaise à tous les niveaux. Oui, à ce niveau aussi, « c’est dans la
mutation de l’intelligence qu’il faut investir. »
LE
POUVOIR DE CHANGER L’ECOLE CONGOLAISE
L’impératif de changer l’école au Congo
est d’autant plus indispensable que depuis la chute de Mobutu, rien n’a été
transformé en profondeur dans notre système éducatif national. A certains
égards, on n’a même l’impression que tout empire, que la détérioration des
institutions scolaires et universitaires s’accélère vertigineusement. Sauf dans
un certain nombre d’établissements confessionnels qui travaillent selon des
orientations religieuses précises, le pays semble avoir perdu le sens de ce que
l’éducation scolaire et universitaire signifie.
Aucune boussole idéologique n’est
visible. Aucune base philosophique sur les buts et priorités du système
éducatif n’est clairement définie. La seule raison pour laquelle l’école continue
de fonctionner au Congo, c’est qu’elle existe déjà et qu’il n’y a aucune raison
qu’elle meure dans une société où on est déjà habitué à envoyer les enfants
suivre l’enseignement dans les classes conçues à cet effet.
Mais quelle est la qualité de cet enseignement
? Selon quelles orientations devrait-il fonctionner ? Contre quels maux de la
société devrait-il lutter ? De quelles stratégies devrions-nous nous doter pour
que l’école obéisse à des impératifs clairs dans l’ordre mondial actuel ? Il
est rare d’entendre les élites congolaises répondre à ces types de questions
fondamentales. Très rare.
Aujourd’hui, il est indispensable de
poser ces questions pour donner des orientations à l’éducation dans notre pays.
A mon sens, les réponses devront être de deux ordres pour repenser l’éducation
et l’école au Congo-Kinshasa :
En premier lieu, l’éducation dans notre
pays n’aura du sens que si les institutions scolaires et universitaires sont
orientées vers la renaissance du Congo et la renaissance de l’Afrique par l’énergie
de la liberté et du pouvoir créateur, dans tous les domaines. La philosophie à
promouvoir à cette échelle est celle de la construction d’un esprit de
résistance contre ce que Mokonzi appelle l’école de la médiocrité, cela en vue
de construire l‘esprit d’une éducation de l’excellence.
Pour ce faire, il faut une politique
globale consciemment conçue et clairement déployée en vue de résoudre les
problèmes d’infrastructures, de projet pédagogique et de stratégies
didactiques. Si aucun plaidoyer n’est fait dans ce sens pour que l’Etat prenne
ses responsabilités et que de nouvelles initiatives privées soient lancées pour
sauver l’école au Congo, nous irons tout droit vers une catastrophe
intellectuelle et scientifique où s’effondrera notre pays en matière d’enseignement,
de recherche et d’inventivité académique.
Disons-le plus crûment : nous aurons un
pays complètement idiot, une République non seulement d’inconscients, comme
dirait Modeste Mutinga, mais une République d’étourdis.
Ce n’est pas le destin qu’il nous faut.
Nous avons besoin d’une nouvelle authenticité congolaise qui sera celle de
l’homme congolais conscient des enjeux de l’intelligence, des valeurs de vie et
des choix ultimes de sens pour notre existence nationale. Une existence qui
soit celle des êtres dont la liberté et le pouvoir créateur enrichissent
l’Afrique et les autres peuples du monde.
Si l’éducation est nourrie et portée par
cette ambition au Congo, nous aurons la chance de donner aux générations
montantes une énergie suffisamment neuve pour vivre dans les enjeux du monde
actuel et de l’avenir. Le Congo sera alors le pays de l’intelligence et de la
créativité : le pays du génie créateur d’humanité.
Sous cet angle, la deuxième orientation
à promouvoir pour l’éducation en général et pour l’école en particulier au
Congo devient claire : il s’agit de la construction d’une vision profondément
congolaise de l’altermondialisation comme nouvel horizon d’humanité. Dans la
mesure où tout se passe actuellement comme si le Congo n’a rien à apporter au
monde pour l’améliorer dans sa substance intellectuelle, dans sa force
scientifique, dans ses dynamiques éthiques et dans ses ambitions spirituelles,
on ne peut pas continuer à éduquer les générations montantes dans l’esprit
d’indifférence, de paresse, de ménopause mentale et d’impuissance
intellectuelle et scientifique.
Pour changer cet ordre des choses, ce
n’est pas seulement à l’Etat qu’il appartient de donner des impulsions
nouvelles. C’est à toutes les forces vives de la nation dont l’esprit devra s’éveiller
pour l’éducation du génie congolais pour un autre monde possible. Il faut pour
cela des initiatives venant de tous les horizons : politique, littéraire,
scientifique, artistique, sportif, tous ces domaines dont nous devons faire des
champs d’un nouvel imaginaire créateur au Congo-Kinshasa. C’est avec un tel
imaginaire que nous pourrions vaincre les mimétismes destructeurs et faire des
choix fertiles dans ce qui nous semblera fondamental pour qu’un autre monde
devienne possible.
En fonction de ce double impératif de
renaissance et d’altermondialisation, il y a lieu de concevoir de nouveaux
programmes d’enseignement et d’ouvrir de nouvelles perspectives d’éducation. Il
y a lieu d’imaginer de nouvelles articulations des savoirs et des connaissances,
sur la base des valeurs et des dynamiques de sens éclairant notre nouvelle
volonté d’être dans le monde. Notre vrai défi éducatif est à ce niveau. Nous
devrions tous le savoir.
CONCLUSION
Si telle est la situation et si telles
sont les exigences, je ne peux conclure qu’en disant que le destin éducatif au
Congo-Kinshasa dépendra fortement de la capacité des Congolais à révolutionner
leur imaginaire créateur, à organiser leurs forces d’engagement et à promouvoir
des stratégies pour faire de l’institution scolaire et universitaire un haut
lieu de renaissance congolaise et une grande énergie d’altermondialisation
crédible.
Serons-nous capables de répondre à ce défi en RDC ?
Serons-nous capables de répondre à ce défi en RDC ?
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