lundi 13 juin 2016

Repenser l’école en RDC


 IL FAUT PRENDRE LES DÉCISIONS COURAGEUSES POUR L'AVENIR!!


Ministre de l'Enseignement Primaire ,secondaire et nouvelle citoyenneté


« Dans un monde où la ressource rare sera de plus en plus la ressource humaine et ses qualités de compréhension, d’analyse, de capacité conceptuelle et d’esprit de recherche et d’innovation »(1), il y a lieu de s’étonner aujourd’hui du peu d’attention et d’intérêt que notre pays, la RDC, accorde aux questions cruciales de la qualité de l’éducation, du rôle de l’école dans la société et de l’importance de l’université comme lieu de formation de nouvelles élites pour notre nation, même si apparemment les autorités semblent mettre la main dans la patte.
Tout donne l’impression, dans les débats actuels de société, que les préoccupations de lutte politico-politiciennes comme les élections et les compétitions au sein des partis politiques sont plus importantes que la formation humaine. On a aussi le sentiment que les impératifs de sécurité de dirigeants en place, tout comme les exigences d’intérêts économiques et financiers dont les dirigeants profitent autour de la mangeoire congolaise, ont définitivement pris le pas sur les problèmes fondamentaux de l’éducation.
C’est-à-dire de l’avenir même de notre pays dans les ressources humaines qui devront le construire en posant dès maintenant les bases de notre futur.

DES SYMPTÔMES INQUIÉTANTS

Il suffit de s’intéresser tant soit peu au budget de l’Etat congolais et à l’utilisation des richesses publiques dans les chantiers de la République pour se rendre compte que l’éducation, la formation, l’enseignement, le développement de la recherche et du savoir ne sont pas les priorités au Congo-Kinshasa aujourd’hui.
Un regard, même superficiel, sur notre univers éducatif, ne manquerait pas de constater cette marginalisation de l’éducation dans les orientations prioritaires de la nation. Il ne peut pas ne pas être frappé par certains phénomènes qui caractérisent le système scolaire et universitaire congolais et qui révèlent le malaise profond de nos institutions éducatives dans leur globalité.
Un des facteurs révélateurs qui sautent d’emblée aux yeux, c’est la condition des infrastructures matérielles d’accueil et de formation dans l’école congolaise aujourd’hui, à tous les niveaux. A très large échelle, l’espace scolaire et universitaire est moins un cadre serein et efficace d’éducation qu’une arène impitoyable et un innommable « foutoir » où l’on doit se battre pour trouver une place afin de suivre quelque peu l’enseignement, comme si l’acquisition des connaissances n’était pas un droit et un devoir exigeant des conditions propices à la maîtrise des savoirs et au développement de l’esprit de recherche et d’initiative pour les générations montantes.
Même là où existent des infrastructures matérielles de plus ou moins bonne qualité, on constate qu’une culture de la saleté et du laisser-aller gangrène les esprits et s’impose comme une manière d’être et de vivre dans un contexte où l’on s’habitue à tout et où l’on se conforme même à l’inacceptable. Quand une institution de formation fonctionne dans des conditions matérielles normales qui devraient être les mêmes pour tous les espaces d’enseignement, la tendance est de la considérer comme une exception qui confirme la règle. Une exception face à la loi générale du délabrement, de l’exiguïté des lieux d’études et de l’inconfort inquiétant des espaces éducatifs où les jeunes congolais préparent le futur.
Inutile de dire la situation lamentable des enseignants en RDC dans tous espaces de formation. Le métier d’enseignant est aujourd’hui dévalorisé, dévalué, marginalisé au profit des carrières politiques qui propulsent une minorité de professeurs vers les sphères de l’élite dirigeante. Dans cette situation, la misère matérielle et la souffrance psychique condamnent les éducateurs scolaires et universitaires à déserter l’univers des valeurs pour se conformer aux antivaleurs de destruction de l’Homme congolais dans ses capacités de lutter contre la crise qui ruine la santé de la nation.
L’école devient un espace de corruption, de prostitution et de décomposition morale généralisée. C’est cette école congolaise dont parle avec vigueur le professeur G.B. Mokonzi en la qualifiant d’école de la médiocrité. Une école qu’il convient de faire sortir de cet état pathologique pour en faire un espace humain d’excellence (2).
A la dévalorisation du métier d’éducateur au Congo s’ajoute un autre phénomène catastrophique : l’indigence pédagogique qui saute aux yeux lorsqu’on cherche à savoir sur quel socle de matériel didactique les élèves et les étudiants construisent leurs savoirs et développent leurs connaissances en RDC. L’aire didactique est dans la plupart d’institutions de formation scolaire et universitaire une aire du vide létal. Nombreuses sont des écoles et des universités qui ne le sont que de nom, faute du minimum pédagogique et didactique vital. Quand on sait à quel point les effectifs dans ces écoles et universités sont pléthoriques, on voit mal quel avenir radieux peut jaillir d’une nuit pédagogique et didactique aussi dense que celle où s’agite le système éducatif congolais aujourd’hui.
Le plus grave dans cette situation, c’est le fait que tout ce système éducatif donne l’impression de ne plus disposer d’une philosophie globale de base qui guiderait sereinement les orientations, qui permettrait de définir les choix à faire et qui rendrait possible des décisions rationnellement élaborées et des programmes profondément pensées. Par manque d’une telle philosophie, l’école congolaise erre dans tous les sens, sans repères clairs ni normes pour l’action.
DES SOLUTIONS BOITEUSES ET MALENCONTREUSES
Devant l’ampleur de cette crise éducative dont notre pays souffre à travers l’état catastrophique de beaucoup de ses écoles et de ses universités, il est frappant de voir à quel point les tentatives de solution ne sont pas du tout à la hauteur des enjeux dans l’évolution même de notre système éducatif.
A deux reprises, le pays a tenté de fonder l’école sur des impératifs que les dirigeants politiques voulaient offrir et imposer aux générations montantes.
La première fondation date de l’année de notre indépendance jusqu’à l’avènement du président Joseph-Désiré Mobutu. Dans un contexte très pénible caractérisé par la guerre civile, les rébellions incessantes et les menaces de balkanisation du pays, les lignes de fond de l’école congolaise à tous ses échelons furent celles de la volonté de construire une vraie nation. Une nation moderne, unie dans toutes ses composantes et orientée vers le développement tel qu’on le concevait en ces temps-là.
C’est-à-dire en termes d’arrimage du tiers-monde au modèle occidental de l’économie, de la politique, de la culture et de la société. Avec cette vision, sans que l’on s’interroge sur les conditions de possibilité de la réussite d’une telle voie dans les réalités mentales et culturelles de l’Afrique profonde, on a formé une élite sans autre orientation que de singer l’Occident. Une élite de perroquets et de moutons de panurge, globalement parlant.
Cette élite s’est évertuée à donner à l’école une orientation de mimétismes essentiellement superficiels du fait d’avoir été mal pensés : les mimétismes dans les théories et les concepts, les mimétismes dans les pédagogies et les didactiques, les mimétismes dans le matériel et le contenu d’enseignement.
Notre malheur au Congo, c’est que cette élite du mimétisme superficiel, dont l’esprit est encore aux commandes de la nation jusqu’à nos jours, n’avait pas compris la force la plus décisive de la modernité occidentale dans ses valeurs intellectuelles, éthiques et spirituelles les plus significatives pour l’ambition occidentale de domination du monde.
Elle n’avait pas compris que la modernité comme projet de domination et d’occidentalisation du monde est fondamentalement souci de rationalisation, d’organisation, de maîtrise du savoir, de développement des connaissances et de progrès des sciences en vue d’exploiter les autres peuples, particulièrement les populations africaines.
Cela dans un système néocolonial dont les Africains puissent devenir, dans l’imaginaire et dans la vie de leurs propres élites, des garants fiables aux yeux des maîtres du monde.
Avec cet Occident devenu centre de la planète et locomotive de la civilisation moderne, les singeries éducatives des Nègres du Congo ne pouvaient être qu’à côté de la plaque des enjeux réels de libération de l’esprit créateur congolais. Elles ne pouvaient être, pour l’essentiel, que des fumisteries et des illusionnismes, même si en surface, on n’avait l’impression qu’une élite congolaise de qualité était formée dans les écoles locales comme à l’échelle internationale.
Certains de ces Congolais ont d’ailleurs brillé et brillent encore par leurs savoirs aux firmaments de la science et de la pensée en Europe et en Amérique. Certains ont accédé à des grands postes de responsabilité dans les universités occidentales et ont contribué avec succès au développement du savoir et des connaissances. On en trouve aujourd’hui dans les institutions internationales où ils s’affirment avec beaucoup d’intelligence et d’aplomb. Sous l’angle de la maîtrise de ce que l’école néocoloniale leur a enseigné, ils sont des produits remarquablement compétents et fiables à l’échelle individuelle.
Le problème devient crucial si l’on se situe à l’échelle de la capacité de l’élite congolaise néocoloniale, même dans les plus brillantes de ses intelligences et dans les plus fascinantes de ses énergies pensantes, à organiser, à développer et à faire rayonner le Congo dans le monde à partir d’un projet communautaire de promotion humaine et d’engagement pour une société de prospérité, de dignité, de justice et de liberté au sein de l’ordre mondial.
Si le problème est posé en ces termes, il devient évident que l’école néocoloniale a formé une élite globalement médiocre dans ses capacités d’action collective et d’intelligence créatrice communautaire. Elle a formé, en politique, dans le champ économique comme dans la culture, des agents congolais du système colonial, de gré ou de force.
Des collaborateurs, conscients ou inconscients, du système mondial de domination. Des hommes dont le profil de personnalité est celui des bras locaux qui profitent, dans leurs propres intérêts, du statut de privilégiés du système de domination grâce auquel ils ont accès à la jouissance consumériste de la modernité, sans savoir pourtant comment se construit exactement l’esprit de cette modernité ni comment en maîtrises des ressorts créatifs au service du développement de leurs peuples.
Devenue essentiellement une caste supérieure dans le champ politique comme dans la sphère économique, l’élite néocoloniale se coupe de son propre peuple, de ses propres populations, de ses propres masses populaires dont elle trahit les intérêts pour mieux être au service de l’ordre mondial qui fabrique les leaders et les faiseurs d’opinion en Afrique. L’école néocoloniale a été et est encore le moule qui a forgé et formaté cette élite africaine du mimétisme : l’élite déracinée et sans âme propre.
Mais comme cette école ne pouvait qu’être ambivalente dans la mesure où elle formait des collaborateurs susceptibles de réfléchir par eux-mêmes et de déceler les contradictions dans lesquelles ils se trouvent plongés, elle a, au sein même de l’élite, accouché d’une force capable de la contester dans son projet en tant qu’école et de contester le système sociopolitique mis en place au service de l’orientation néocoloniale de la société (3).
Le penseur politique camerounais Hamidou Komidor Njimoluh a établi cette vérité de manière convaincante dans un excellent livre sur les Fonctions politiques de l’école au Cameroun : c’est dans l’ambivalence de l’école et dans la dynamique contestatrice rendue possible par cette ambivalence qu’a pu surgir une dynamique de lutte contre la colonisation et pour l’indépendance.
Au Congo plus qu’ailleurs, l’ambivalence a été celle d’une société qui, par la création d’une caste « d’évolués », a mis le ver dans son propre fruit et le cheval de Troie dans son propre système. C’est par le canal d’une élite néocoloniale consciente de sa néocolonialité que notre pays a pu s’engager vers la voie de l’indépendance, même si cette indépendance n’a pas pu repenser l’éducation et l’école selon les véritables impératifs de la liberté.
Pourquoi n’a-t-il pas été possible pour le Congo de faire ce pas dans la bonne direction, pour une école de l’indépendance et de la liberté ? Parce que l’élite consciente des enjeux est restée fortement et profondément déracinée, extravertie et aliénée dans ses systèmes de désir, dans ses systèmes de connaissance comme dans ces systèmes d’action. Elle a développée une forme d’intelligence incapable de se mettre en accord avec les exigences véritables de l’indépendance comme vision globale du monde, comme philosophie fondamentale de l’existence et comme mystique radicale de vie.
C’est la rupture avec cette forme d’intelligence éducative qui devra être le socle de la nouvelle éducation dans notre pays. Au fond, comme dirait Michel Crozier, je considère qu’une mutation fondamentale de l’intelligence est aujourd’hui urgente et qu’elle devra être le moteur d’une nouvelle vision de notre système éducatif en RDC. Oui, « c’est dans la mutation de l’intelligence qu’il faut donc investir (4). »
Le Congo a déjà tenté une telle mutation sans la réussir. C’était dans les années 1970, lorsque le président Mobutu Sese Seko lança la politique du recours à l’authenticité.
L’intention éducative de cette philosophie était louable et fort généreuse pour les Congolais. Les dirigeants du pays avaient vu juste et ils avaient touché du doigt le problème centrale de la société congolaise : le problème de la médiocrité des élites déracinées, aliénées et extraverties.
Le gouvernement voulait une rupture radicale avec l’esprit de cette élite. Il s’évertua, par des slogans incendiaires et des discours virulents, à vouloir construire un nouveau profil d’homme congolais : l’homme authentique, tissé dans ses fibres les plus intimes par la soif de la liberté, de la créativité et de l’innovation dans la vision qu’il a de son présent et de son avenir face à l’ordre mondial contre lequel il devait défendre son indépendance et son pouvoir de changer le destin du pays.
Malheureusement, ceux-là mêmes qui voulaient l’authenticité n’étaient, en fait, que de piètres fabrications politiques et idéologiques du système néocolonial. Ils étaient entièrement au service de ce système. Ils mangeaient le pain du néocolonialisme. Ils servaient les intérêts des Maîtres de l’ordre mondial. Ils avaient structuré leur esprit selon les impératifs néocoloniaux et ils avaient adopté un mode de vie dont les ressorts ne pouvaient tenir que dans le contexte néocolonial.
Leur recours à l’authenticité ne fut ainsi qu’une pitoyable farce, selon le mot très juste de V.Y. Mudimbe. Leur philosophie ne fut qu’un tintamarre d’incantations vides au service d’une gouvernance désastreuse. Dans sa dynamique, l’éducation à l’authenticité se cantonna dans les chansons et les danses dites révolutionnaires ainsi que dans des gestes ridicules de bomber les torses devant les Blancs sur de petits enjeux insignifiants de gloriole nationaliste, alors que le système politique du pays était entièrement pollué par son orientation néocolonialiste.
Dans ce jeu du ridicule et de l’hypocrisie politiques, l’élite congolaise perdit la capacité de penser réellement les enjeux réels de la destinée congolaise et les impératifs d’une modernité africaine au service d’une certaine idée d’humanité féconde dans ses valeurs les plus hautes. Evidemment, ce vide de pensée fut masqué par des réformes scolaires et universitaires de surface, qui ont donné le change sur les problèmes éducatifs fondamentaux du pays. L’élite s’habitua à s’agiter sans rien changer d’essentiel et de cohérent à un système gangrené par ses pathologies néocoloniales innombrables.
Elle s’enchaîna, sans s’en rendre réellement compte, à l’ordre d’un esclavage psychique pire que l’ordre de la chicote et du fouet subi par nos ancêtres. Je veux dire qu’elle intériorisa la domination tout en la niant dans le discours ; elle courba l’échine sous les orientations de l’ordre mondial en partageant cependant à fond les impératifs idéologiques et socio-pédagogiques imposées par des théoriciens dont les présupposés ressortissaient plus à l’ordre des intérêts extérieurs qu’à ceux de nos besoins internes fondamentaux.
Il suffit de suivre les débats pédagogiques congolais et leurs scansions majeures pour voir à quel point l’école de l’authenticité n’a fait que suivre les modes dites mondiales de pédagogie par objectifs, de pédagogie par compétences ou de l’actuel système LMD, sans savoir à quels problèmes toutes ces innovations répondaient chez leurs inventeurs et dans quelles conditions il nous est nécessaire et utile de les adopter selon nos propres perspectives d’éducation.
C’est contre ce manque de pensée propre au système éducatif mobutiste qu’il convient de s’inscrire en faux pour changer l’école congolaise à tous les niveaux. Oui, à ce niveau aussi, « c’est dans la mutation de l’intelligence qu’il faut investir. »
LE POUVOIR DE CHANGER L’ECOLE CONGOLAISE
L’impératif de changer l’école au Congo est d’autant plus indispensable que depuis la chute de Mobutu, rien n’a été transformé en profondeur dans notre système éducatif national. A certains égards, on n’a même l’impression que tout empire, que la détérioration des institutions scolaires et universitaires s’accélère vertigineusement. Sauf dans un certain nombre d’établissements confessionnels qui travaillent selon des orientations religieuses précises, le pays semble avoir perdu le sens de ce que l’éducation scolaire et universitaire signifie.
Aucune boussole idéologique n’est visible. Aucune base philosophique sur les buts et priorités du système éducatif n’est clairement définie. La seule raison pour laquelle l’école continue de fonctionner au Congo, c’est qu’elle existe déjà et qu’il n’y a aucune raison qu’elle meure dans une société où on est déjà habitué à envoyer les enfants suivre l’enseignement dans les classes conçues à cet effet.
Mais quelle est la qualité de cet enseignement ? Selon quelles orientations devrait-il fonctionner ? Contre quels maux de la société devrait-il lutter ? De quelles stratégies devrions-nous nous doter pour que l’école obéisse à des impératifs clairs dans l’ordre mondial actuel ? Il est rare d’entendre les élites congolaises répondre à ces types de questions fondamentales. Très rare.
Aujourd’hui, il est indispensable de poser ces questions pour donner des orientations à l’éducation dans notre pays. A mon sens, les réponses devront être de deux ordres pour repenser l’éducation et l’école au Congo-Kinshasa :
En premier lieu, l’éducation dans notre pays n’aura du sens que si les institutions scolaires et universitaires sont orientées vers la renaissance du Congo et la renaissance de l’Afrique par l’énergie de la liberté et du pouvoir créateur, dans tous les domaines. La philosophie à promouvoir à cette échelle est celle de la construction d’un esprit de résistance contre ce que Mokonzi appelle l’école de la médiocrité, cela en vue de construire l‘esprit d’une éducation de l’excellence.
Pour ce faire, il faut une politique globale consciemment conçue et clairement déployée en vue de résoudre les problèmes d’infrastructures, de projet pédagogique et de stratégies didactiques. Si aucun plaidoyer n’est fait dans ce sens pour que l’Etat prenne ses responsabilités et que de nouvelles initiatives privées soient lancées pour sauver l’école au Congo, nous irons tout droit vers une catastrophe intellectuelle et scientifique où s’effondrera notre pays en matière d’enseignement, de recherche et d’inventivité académique.
Disons-le plus crûment : nous aurons un pays complètement idiot, une République non seulement d’inconscients, comme dirait Modeste Mutinga, mais une République d’étourdis.
Ce n’est pas le destin qu’il nous faut. Nous avons besoin d’une nouvelle authenticité congolaise qui sera celle de l’homme congolais conscient des enjeux de l’intelligence, des valeurs de vie et des choix ultimes de sens pour notre existence nationale. Une existence qui soit celle des êtres dont la liberté et le pouvoir créateur enrichissent l’Afrique et les autres peuples du monde.
Si l’éducation est nourrie et portée par cette ambition au Congo, nous aurons la chance de donner aux générations montantes une énergie suffisamment neuve pour vivre dans les enjeux du monde actuel et de l’avenir. Le Congo sera alors le pays de l’intelligence et de la créativité : le pays du génie créateur d’humanité.
Sous cet angle, la deuxième orientation à promouvoir pour l’éducation en général et pour l’école en particulier au Congo devient claire : il s’agit de la construction d’une vision profondément congolaise de l’altermondialisation comme nouvel horizon d’humanité. Dans la mesure où tout se passe actuellement comme si le Congo n’a rien à apporter au monde pour l’améliorer dans sa substance intellectuelle, dans sa force scientifique, dans ses dynamiques éthiques et dans ses ambitions spirituelles, on ne peut pas continuer à éduquer les générations montantes dans l’esprit d’indifférence, de paresse, de ménopause mentale et d’impuissance intellectuelle et scientifique.
Pour changer cet ordre des choses, ce n’est pas seulement à l’Etat qu’il appartient de donner des impulsions nouvelles. C’est à toutes les forces vives de la nation dont l’esprit devra s’éveiller pour l’éducation du génie congolais pour un autre monde possible. Il faut pour cela des initiatives venant de tous les horizons : politique, littéraire, scientifique, artistique, sportif, tous ces domaines dont nous devons faire des champs d’un nouvel imaginaire créateur au Congo-Kinshasa. C’est avec un tel imaginaire que nous pourrions vaincre les mimétismes destructeurs et faire des choix fertiles dans ce qui nous semblera fondamental pour qu’un autre monde devienne possible.
En fonction de ce double impératif de renaissance et d’altermondialisation, il y a lieu de concevoir de nouveaux programmes d’enseignement et d’ouvrir de nouvelles perspectives d’éducation. Il y a lieu d’imaginer de nouvelles articulations des savoirs et des connaissances, sur la base des valeurs et des dynamiques de sens éclairant notre nouvelle volonté d’être dans le monde. Notre vrai défi éducatif est à ce niveau. Nous devrions tous le savoir.
CONCLUSION
Si telle est la situation et si telles sont les exigences, je ne peux conclure qu’en disant que le destin éducatif au Congo-Kinshasa dépendra fortement de la capacité des Congolais à révolutionner leur imaginaire créateur, à organiser leurs forces d’engagement et à promouvoir des stratégies pour faire de l’institution scolaire et universitaire un haut lieu de renaissance congolaise et une grande énergie d’altermondialisation crédible.
Serons-nous capables de répondre à ce défi en RDC ?


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire